vendredi 21 octobre 2016

Le problème de la gestion des ordures n’est pas lié au plastique, mais à l’indifférence.

Je me suis retrouvé au milieu d’une mer de déchets. Autour de moi, des vagues d’emballages plastiques, des étiquettes de bouteilles éparpillées entre des packs de lait, des sacs de ciment et des vêtements abandonnés. Je je me suis penché et j’ai été frappé par la quantité de petits objets : d’innombrables mégots de cigarettes, des briquets, des bouchons, des serpents de cordes et de pailles. La plupart recouverts d’excréments humains.
Je me suis alors rappelé où je me trouvais : sur une plage, qu’il y avait du sable sous la saleté qui m’arrivait à hauteur des chevilles. C’était une chose de voir ces images en photo chez moi, c’en était une autre que de me tenir sur la plage de Versova à Mumbai et d'être confronté au volume incroyable des déchets recouvrant le rivage. Par où commencer ?
“Commence à tes pieds”
Je ne m’étais pas rendu compte que j’avais parlé tout haut, jusqu’à ce qu’Afroz réponde à ma question.
Afroz Shah, avocat et citoyen de 33 ans est le fondateur de ce qui est devenu en l’espace de seulement 44 semaines, le plus grand nettoyage de plage de l’histoire. Il m’avait invité à Mumbai, aux côtés des 300 bénévoles qui consacraient 8 heures chaque week-end à tenter de se débarrasser des ordures présentes sur leur plage.
J’ai rencontré des individus exceptionnels dans le cadre de mon travail, mais Afroz est vraiment quelqu’un d’extraordinaire.
Héros de tous les jours
J’ai vu le visage d’Afroz s’illuminer et être un mentor pour chacune des personnes venues l’aider sur cette plage. Des personnes de tous horizons, des jeunes, des vieux, des stars de Bollywood, des chauffeurs de poids lourds, des pêcheurs, des juges, des habitants de bidonvilles, des étudiants en école de cinéma, des écoliers, des professeurs et beaucoup, beaucoup de mères de famille.
La plage de Versova se trouve à seulement deux kilomètres de Bollywood, sur une colline qui rejoint les studios de cinémas à la mer, le village de pêcheur nommé Koli se trouve sur cette route. Un jeune garçon venu du bidonville voisin voulait nous prêter main forte. Quelqu’un lui a tendu une paire de gants. Je l’ai regardé, il se tenait pieds nus dans la saleté, tirant sur ses gants. Je me suis demandé ce qui le protégerait la prochaine qu’il viendrait ici, pieds nus.
Ce jour-là, j’ai ramassé 673 paires de chaussures laissées à l’abandon, dans un périmètre de 10 mètres.
Les détritus de la plage de Versova proviennent des voisinages ainsi que des drainages des eaux pluviales situés dans la crique Malad à proximité. De la plage, la crique est magnifique. Mais à l’intérieur des mangroves et parmi les bateaux on voit des piles et des piles de déchets.
Plus de plastiques que de poissons
J’ai discuté avec deux pêcheurs qui ont passé toute leur vie dans cette crique. Plus jeune, Pravin nageait dans la mangrove, ramassait des fruits et les mangeait assis sur le sable. Dans son souvenir, le sable était doré. Lorsque Krishna est devenu pêcheur 20 ans plus tôt, une heure de pêche quotidienne lui suffisait à nourrir sa famille. Désormais, il refuse de laisser ses enfants nager dans ces eaux et chaque matin, il doit s’aventurer en bateau de plus en plus loin. Il s’estime heureux s’il peut rentrer chez lui avant la nuit tombée avec assez de poisson pour le repas de sa famille.
Il ne reste pas beaucoup de poissons, mais il y a beaucoup d’ordures. Près de 3 millions de kilos d’ordures ont été collectés par les bénévoles habitant à Versova. Ramassés par quelqu’un comme vous et moi, après avoir été jetés par quelqu’un comme vous et moi.
C’est seulement lorsque nous sommes confrontés aux conséquence de nos actes que nous envisageons des solutions. Il faut que nous trouvions un moyen de mettre fin à la pollution de nos plages. Et il faut commencer à nos pieds.
Un ensemble de mesures sans précédent
Lorsque les bénévoles habitant à Versova auront procédé au nettoyage de leur plage, ils souhaitent faire de même pour 18 autres plages de Mumbai. J’espère que ces mesures initieront des mouvements similaires en Asie du Sud et du Sud-Est. Les effets de la pollution marine sont dévastateurs. Non seulement elle détruit notre environnement et nos ressources naturelles, mais selon le Programmes des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE), elle coûte plus de 8 milliards de dollars à nos économies chaque année.
Pour mettre fin au flot d’ordures dès sa source, un ensemble de mesures sans précédent est nécessaire. Nous avons besoin du soutien des gouvernements, des entreprises, des écoles et des médias. Il faut qu’un pays comme l’Inde, possèdant des technologies capables de mettre un sattelite en orbite autour de Mars, ainsi que l’industrie du cinéma la plus importante au monde, se concentre sur autre chose que ses strars mais sur ce qui se trouve à ses pieds.
L’Inde est arrivée à cette extrêmité après des années d’indifférence, doublées d’un boom économique et de l’explosion de l’utilisation du plastique à usage unique. L’Inde est peuplée d’1,3 milliard d’habitants. Chaque personne utilise une douzaine d’objets en plastique quotidiennement. La pollution au plastique à l’échelle d’1,3 milliard d’individus est impossible à contrôler. Mais si 1,3 milliard d’individus volontaires s’y attaquaient, une solution est possible.
Les habitants de Mumbai agissent à leur échelle. Les autorités doivent montrer l’exemple au reste du monde. Si le gouvernement indien s’attaque sérieusement à ce problème Afroz et ses compagnons n’iront plus à la plage pour ramasser les ordures, ils iront à la plage pour fouler le sable doré.

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