samedi 2 février 2019

Les digestats de la méthanisation : un ‘fertilisant écologique’ empoisonné ?

Si la méthanisation est en plein essor, ce procédé continue de diviser. En effet, cette technologie permet de valoriser les déchets organiques pour produire de l’énergie et enrichir les sols, mais le digestat résiduel peut entraîner une pollution des sols et nappes phréatiques.

Une hécatombe chez les abeilles et les vers de terre, liée à l’épandage de digestats issus de la méthanisation. Dans le Lot, les critiques se multiplient et la colère monte suite à l’installation, en 2018, d’un méthaniseur industriel. Et si les résidus sortant des méthanisateurs et répandus dans les champs comme engrais n’étaient pas aussi « verts » que souhaités ?

Les digestats de méthanisation, source d’inquiétudes

Un nouveau scandale sanitaire semble se profiler dans le Lot. En effet, dans une ferme de Gramat, une petite commune de 3.500 habitants où un gros méthaniseur industriel a été installé, de nombreuses critiques se font entendre chez les riverains et les scientifiques. Tous craignent une pollution des sols, très calcaires dans la région.
Un méthaniseur dans une ferme

Qu’est-ce que la méthanisation ?

Pour rappel, la méthanisation permet de valoriser les déchets organiques en les transformant en biogaz. Produire du gaz renouvelable offre aux éleveurs d’importants compléments de revenus. En outre, cette technique produit le digestat qui sert de fertilisant aux cultures.

Vers une catastrophe écologique ?

En clair, la méthanisation permet donc de produire du biogaz, composé de 50 à 70 % de méthane (CH4) et de 20 à 50 % de gaz carbonique (CO2), ainsi que du digestat. Et c’est ce produit humide, riche en matière organique, utilisé comme fertilisant pour les sols, qui pose précisément problème.
Dans le journal Le Monde, Jean-Louis Lasserre, ingénieur, alerte sur les dangers de pollution et évoque même une « catastrophe écologique pour les sols karstiques très fissurés de notre région », causée par ce digestat qui « s’infiltre facilement et va polluer les eaux souterraines et contaminer nos captages d’eau potable, déjà régulièrement souillés par les effluents de l’agriculture intensive »(1).
En 2018, préhistoriens et paléontologues alertaient déjà sur les conséquences des épandages de digestats sur les sites archéologiques ouverts, notamment celui situé à Gramat (Lot).

Des pathogènes détectés dans le digestat

Le processus de méthanisation chauffe les matières organiques à 40°C, ce qui ne permet pas d’éliminer toutes les substances pathogènes : spores, bactéries, parasites ou résidus médicamenteux qui se retrouve dans le digestat voué à être épandu dans les champs. Elles vont donc s’infiltrer dans les sols poreux jusqu’aux nappes phréatiques où est puisée l’eau potable.

Le site Reporterre rapporte aussi que les risques d’emissions de gaz à effet de serre ne sont pas nuls. En effet, « le méthane a un potentiel de réchauffement 28 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone » (or les fuites sur sites sont assez courantes(2)) et le digestat peut lui-même produire du protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le CO2(3).

Un Collectif scientifique national sur la méthanisation (CSNM) a été formé pour pointer du doigt les nuisances locales (odeurs notamment), les impacts sur les sols et la biodiversité (destruction de la faune et de la flore), impacts sur l’eau (infiltrations jusque dans les nappes phréatiques), et s’opposer aux nouveaux projets. Ses membres ont été reçus, lundi 28 janvier 2019, au ministère de la Transition écologique.
Ces opposants signalent des extinctions massives d’abeilles et une hécatombe parmi les vers de terre vivant sur une parcelle fertilisée avec ce digestat. Suite à une analyse du digestat, le CSNM confirme « la présence de plusieurs métaux lourds en grande quantité et aussi de siloxanes parmi lesquels le D4, reprotoxique et considéré comme perturbateur endocrinien ».

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