jeudi 23 novembre 2017

La méthanisation à domicile, solution pour les déchets de cuisine

A l’occasion de la semaine de réduction des déchets, focus sur une technologie qui pourrait bien révolutionner la gestion des résidus organiques produits par les ménages : la micro-méthanisation.
Une chercheuse caractérise la composition de déchets de cuisine.

LOMBRICOMPOSTEURS. Que faire des épluchures de légumes et des reliefs des repas? Ces déchets organiques partent aujourd’hui principalement dans la poubelle d’ordures ménagères, direction la décharge ou l’incinérateur. La France en produit ainsi 350 millions de tonnes dont une infime partie est recyclée. On dénombre seulement 16 unités de méthanisation traitant uniquement des déchets ménagers. Pourtant, ces résidus ont un potentiel de recyclage important. Dans les zones rurales, le compostage permet d’en faire un engrais pour jardin. Cette semaine, des lombricomposteurs sont même distribués à Paris pour les premiers volontaires du compostage en ville. L’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea)propose une autre solution, plus technique mais aussi écologiquement plus satisfaisante : la micro-méthanisation.

Aujourd’hui, la méthanisation a le vent en poupe. Le procédé de dégradation de la matière organique par les micro-organismes en absence d’oxygène conquiert les exploitations agricoles qui nourrissent les digesteurs de déchets agricoles. La digestion anaérobie produit du méthane qui peut rejoindre le réseau de gaz naturel ou alimenter une turbine pour produire de l’électricité. Les résidus de l’opération –le digestat– sont utilisés en engrais organiques. «L’idée, c’est d’utiliser cette technique à une échelle beaucoup plus petite pour équiper des quartiers d’habitation ou des zones de restaurants, explique Axelle Degueurce, chercheuse à l’Irstea de Rennes. Les ménages pourront ainsi voir à proximité de chez eux la transformation de leurs déchets en ressource énergétique ».

Un traitement des déchets au plus près du domicile


STERLING. Depuis 2016 et pour 4 ans, l’Irstea pilote le programme européen "Decisive" chargé d’explorer la faisabilité technique et économique de la micro-méthanisation et donc d’évaluer la possibilité d’un recyclage parfait des déchets organiques. «L’objectif, c’est de construire une technologie simple dont le fonctionnement ne coûte rien voire rapporte, et qui soit accepté par les habitants » poursuit Axelle Degueurce. L’Irstea développe ainsi un ensemble robuste comprenant un système de chauffage pour maintenir la température idéale de méthanisation (entre 30 et 50°C) et la connexion avec une turbine produisant l’électricité, ici en l’occurrence un moteur Stirling qui a l’avantage d’être mu par une énergie externe ce qui évite tout contact avec les impuretés contenues dans le biogaz.
En laboratoire, essai de méthanisation de déchets de cuisine.
Reste à démontrer que tout cela peut marcher. «Avec nos partenaires européens de Decisive, nous allons tester en 2018 deux configurations, l’une d’une capacité de 200 tonnes de déchets par an, soit la production de 800 à 1000 ménages, l’autre de 50 tonnes plus adapté à de la restauration collective », détaille Pierre Thiriet, également chercheur à l’Irstea Rennes. Le démonstrateur de 200 tonnes représentant le volume de deux conteneurs de transport international sera installé sur le campus de l’Université de Barcelone, partenaire du projet, où seront traités les déchets des restaurants et des résidences universitaires. Celui de 50 tonnes (soit un volume de 3 à 5 m3) sera posé à l’école horticole d’Ecully dans la banlieue de Lyon. Cet établissement qui comprend une ferme urbaine appelée ReFarmers anime par ailleurs un réseau de collecte de biodéchets pour étudier le compostage.

Deux démonstrateurs pour valider l'idée

PLASTIQUES. Ces deux unités seront opérationnelles à la fin de 2018. « Nous aurons ainsi deux cas d’école qui vont nous permettre de voir à quelle échelle de territoire cette technologie est pertinente » expose Pierre Thiriet. Auparavant, les chercheurs devront caractériser la composition des déchets organiques qui vont arriver dans les digesteurs. «C’est une étape importante parce qu’il s’agit de savoir quel est le potentiel de méthanisation de ces déchets et surtout de connaître l’importance des erreurs de tri, poursuit Axelle Degueurce. La présence de plastiques peut très rapidement engorger les digesteurs ». Les chercheurs vont donc passer leur année à mettre le nez dans les poubelles de tri organique pour évaluer les quantités de produits indésirables.
Que peut-on attendre d’une telle technologie? A coup sûr, un changement de regard sur ces détritus qu’on jette. Avec la micro-méthanisation, le déchet ne part plus dans une benne au petit matin vers une banlieue lointaine. Il est traité à proximité et produit par ailleurs de l’énergie. « On peut ainsi tirer satisfaction du fait que le déchet de cuisine que l’on a trié sert à vous chauffer ou à vous éclairer », conclut Axelle Degueurce.

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