mardi 17 octobre 2017

Valorisation des déchets: Ce qui va vraiment changer

Un plan national de 1,5 milliard de DH pour la loi de finances 2018
10 filières recensées dont 7 ont fait l’objet d’études et de conventions portant sur 6,2 millions de tonnes
Dans le pipe, un plan quinquennal pour la création de centres de tri
Serait-ce la fin de l’anarchie dans la valorisation des déchets? En tout cas, tout porte à le croire. Un plan national de valorisation de déchets est en cours de préparation. «Les discussions ont été entamées avec le ministère des Finances pour l’inclure dans la loi de finances 2018», confie à L’Economiste Nezha El Ouafi, secrétaire d’Etat chargée du Développement durable. Une enveloppe de 1,5 milliard de DH sera consacrée à cette stratégie qui est suspendue au visa du département de Boussaid.
Ce plan est le fruit d’un travail entamé depuis quelques mois par une commission nationale d’orientation stratégique composée de la tutelle, des ministères de l’Industrie, de l’Intérieur, des Finances, de la CGEM et de la société civile. Il porte sur 10 filières dont 7 ont fait l’objet d’études et de conventions de partenariat avec le secteur privé. Il s’agit de celles relatives au PCB (polychlorobiphényles), batteries, pneus, résidus de plastique, huiles industrielles, huiles alimentaires et graisses animales ainsi que le papier et carton.
Le volume global des déchets à valoriser, pour ces sept filières, s’élève à 6,2 millions de tonnes dont seulement 677.000 tonnes sont valorisées actuellement. Ce qui permettra également la création de 23.320 emplois. La filière qui mobilisera le plus gros investissement est celle liée aux déchets plastiques. L’enveloppe prévisionnelle s’établira à 500 millions de DH visant le recyclage de 5,3 millions de tonnes et la création de 3.000 emplois. L’objectif est de combler le grand déficit enregistré, sachant que seulement 511.000 tonnes sont recyclées à ce jour.
Arrive en deuxième rang, la valorisation des huiles alimentaires et des graisses animales. L’investissement prévisionnel s’élève à 450 millions de DH couvrant le traitement de 450.000 tonnes dont 10.000 sont actuellement recyclées. Cette filière permettra la création de 9.000 postes d’emploi. Pour ce qui est du cadre réglementaire, il est en cours de préparation.
La filière papier et carton, quant à elle, devra mobiliser 350 millions de DH pour la valorisation de 250.000 tonnes de déchets et la création, à la clé, de 5.000 nouveaux postes de travail. Le cadre réglementaire est en cours de mise en place, précise la tutelle.
Financement de 60% pour la valorisation
Les trois filières restantes, à l’étude, sont celles relatives aux déchets électriques et électroniques, aux débris de construction ainsi qu’aux déchets automobiles. «Concernant les débris de construction qui sont déversés n’importe où, sans aucun égard pour l’environnement ou la santé des riverains, l’étude sera achevée fin octobre et l’arrêté est fin prêt pour l’envoi au SGG», avance Nezha El Ouafi. Le secrétariat d’Etat est accompagné dans ce chantier par la coopération allemande (GIZ).
Concernant la filière déchets électriques et électroniques, l’étude ainsi que la mise en place du cadre réglementaire sont en cours. En revanche, l’étude des déchets automobiles n’est pas encore lancée.
Pour alimenter ces filières, le Secrétariat d’Etat et ses partenaires travaillent, d’arrache-pied, sur la restructuration du processus de la collecte-tri-valorisation des déchets ménagers. Des réunions ont été tenues durant ces derniers mois pour mettre en place ce nouveau dispositif, qui est l’un des chantiers prioritaires de Nezha El Ouafi. Il s’agit de la relance du Plan national des déchets ménagers (PNDM) élaboré par le secrétariat d'Etat chargé du Développement durable et le ministère de l’Intérieur avec l’appui de la Banque mondiale depuis 2008.
Ce plan cible la réforme et le développement du secteur des déchets ménagers. «Nous nous sommes fixé pour objectif d’honorer les engagements pris pour la valorisation de 30% des déchets à l’horizon 2020. Si nous gardons le cap, nous pouvons aller au-delà de ces prévisions», confie la secrétaire d’Etat chargée du Développement durable.
Pour y arriver, la tutelle a concocté, en partenariat avec le ministère de l’Intérieur, un plan quinquennal 2017-2021 visant la mise en place de plateformes de tri à l’intérieur des centres d’enfouissement et de valorisation (CEV). «Désormais, nous ne parlerons plus de nouvelles décharges mais de CEV. Pour pallier la multiplication des points noirs et des décharges sauvages, nous avons fixé de nouveaux critères d’éligibilité dont l’existence de titre foncier, la situation du site et l’élaboration de plan directeur pour les collectivités ou les provinces pour bénéficier du financement et de l’accompagnement technique», souligne Nezha El Ouafi.
Sur les 24 centres prévus dans le plan quinquennal, 17 ont été identifiés dont 12 CEV de nouvelle génération ont fait l’objet de signature de conventions de financement et qui seront bientôt opérationnels. La tutelle finance la mise en place de ces centres et offre 60% de plus pour la mise en place de centres de tri destinés à la valorisation. Ce surplus est tiré du Fonds national de l’environnement doté de 1 milliard de DH. Les communes et le ministère de l’Intérieur participent également au financement de ces projets. Ces nouvelles plateformes disposeront aussi d’une station électrique qui produira l’énergie et qui alimentera les populations environnantes.
Pour assurer un meilleur suivi technique, la tutelle a attribué 5 marchés visant la mise en place d’un outil d’accompagnement et de mise en place de CEV. Pour rappel, la collecte et le nettoiement des déchets ménagers ont atteint 85,2% à fin septembre, conformément aux prévisions du PNDM. L’objectif est d’atteindre 90% en 2020 et de réhabiliter ou fermer toutes les décharges existantes.
«Le traitement et l’élimination des lixiviats sont l’une de nos priorités», dixit El Ouafi. Des puits remplis de ce liquide dangereux existent au sein des décharges contrôlées. Ce qui n’est pas le cas des autres décharges sauvages qui les déversent causant la contamination des terres avoisinantes et de la nappe phréatique.
Ceci aggrave également la pollution atmosphérique. La tutelle a lancé des études pour mettre en place une opération pilote au niveau de la décharge Oum Azza de Rabat. Ensuite, ce sera le tour d’Oujda qui souffre énormément de ce problème. «A terme, nous devrons mettre en place une plateforme nationale de traitement de lixiviats. Avec les nouveaux centres de tri, ce problème sera résolu une fois pour toutes», précise le ministre .
 Le rapport accablant de la Banque mondiale
Dans son dernier rapport sur le coût de la dégradation de l’environnement au Maroc, la Banque mondiale a tiré la sonnette d’alarme. Malgré les efforts consentis, la gestion des déchets municipaux occasionne toujours des coûts à la société et contribue fortement à la dégradation de l’environnement. Contamination des eaux souterraines par les lixiviats de décharges non-contrôlées, non-couverture par le système de collecte d’une part non négligeable de la population, perte de bénéfices économiques en raison du faible taux de recyclage, dégradation des sols autour des dépotoirs à ciel ouvert… Ce sont là les principaux dysfonctionnements répertoriés par le rapport de la Banque mondiale. Cette étude a également, pour la première fois, évalué les coûts liés aux déchets dangereux induits par l’absence de valorisation des huiles usagées et l’impact de l’exposition au plomb sur la santé des enfants. Selon la Banque mondiale, les pertes liées à la gestion des déchets sont estimées à 3,7 milliards de DH, soit 0,4% du PIB. Les experts tiennent, toutefois, à souligner que la gestion des déchets ménagers s’est considérablement améliorée au cours de la dernière décennie.  Reste que la gestion inappropriée de déchets industriels dangereux constitue un sujet de préoccupation aussi bien pour l’environnement que pour la santé.


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